Après la vague d'Alexander Key



Auteur : Alexander Key
Titre original : The incredible tide
Traducteur : Arnaud Guillemette
Date de publication : 2012
Editions : Éditions Aux forges de Vulcain
Pages : 177
Mon avis


* Il vit la brume qui environnait Industria, et perçut son odeur bien avant que le navire ne s'approchât suffisamment pour qu'il pût la distinguer. Il y avait dans cette étendue vaste et laide quelque chose de vaguement familier. Avec un dégoût grandissant, il fixait du regard les ares de tuyaux emmêlés et les réservoirs, la fumée épaisse qui montait de certaines cheminées, et l'amas énorme de bâtiments en plastique, qui se dressaient brutalement entre la mer et les mornes collines. *

« Les cris des oiseaux marins, ses seuls amis, et les petits galets qu’ils laissaient tomber sur sa hutte, tirèrent Conan du sommeil dès l’aube. A quatre pattes, il sortit précipitamment, et courut jusqu’à la plage étroite, persuadé qu’un banc de poissons s’était aventuré dans l’un de ses pièges. Les oiseaux le prévenaient toujours de cette façon lorsque le poisson était pris au piège, mais il ne tarda pas à découvrir que ceux-ci étaient vides, et les mouettes et les sternes continuaient de tournoyer à ses côtés, en poussant de grands cris. Qu’essayaient-ils de lui faire comprendre ? »

(Résumé du site de l'éditeur) Après de longues années de guerre et un cataclysme, le monde occidental est détruit. A 17 ans, Conan est un rescapé qui vit sur un îlot depuis cinq ans lorsque l’arrivée d’un bateau arborant le pavillon ennemi vient rompre sa solitude. Emmené contre son gré, Conan découvre la ville de l’Ordre nouveau, Industria, dans laquelle sa force physique et son intelligence le destinent à la condition d’ouvrier. Cependant, Conan refuse de se soumettre à la hiérarchie sociale d’une cité dont il exècre le fonctionnement totalitaire. Mû par son esprit d’indépendance et son désir de retrouver les siens à High Harbor, une petite cité qui résiste tant bien que mal à la suprématie de l’Ordre nouveau, il trouve l’aide nécessaire pour planifier sa fuite.
Imaginez que, dans un monde prédominé par la guerre, une catastrophe naturelle cause des dommages irréversibles pour l’être humain. Imaginez qu’une énorme vague recouvre la plupart de la planète, engloutissant des villes entières et leur population. Imaginez que les survivants se retrouvent privés des inventions scientifiques qui ont révolutionné le monde et que leur mode de vie devienne proche de celui des hommes primitifs. Qu’adviendrait-il alors de l’humanité ?
Voici le point de départ du roman d’Alexander Key, Après la vague. Suite au « Changement », la mer a recouvert la planète, ne laissant que peu de terres émergées. Le jeune Conan vit sur un îlot, avec pour seule compagnie, des oiseaux, et il doit se battre jour après jour pour survivre. Lorsqu’il est secouru, ce qui devrait être une délivrance se révèle pourtant pire encore que ce qu’il avait vécu jusque là : emmené à Industria, la ville régie par l’Ordre Nouveau, il découvre un système révoltant auquel il refuse de se soumettre. Heureusement, Conan n’est pas aussi seul qu’il le croit et un vieil ami l’aidera à accomplir sa mission.
Le résumé proposé sur le site de l’éditeur m’a immédiatement fait penser à La planète des singes, de Pierre Boulle, qui m’avait beaucoup plu à l’époque. Malgré mon manque d’expérience de romans post-apocalyptiques et de science fiction, je me suis laissé entraîner dès les premières pages dans ce monde d’après le Changement. Une écriture agréable nous entraîne aux côtés de Conan dans ce monde hostile et le roman est parfaitement rythmé par l’action. C’est au fil des évènements que nous en apprendrons plus sur les personnages et les évènements qui ont changé le monde.
Comme tout livre de ce genre, nous assistons à la dénonciation du comportement irresponsable de l’être humain ; le Changement est une conséquence de leurs guerres, de leurs luttes pour le pouvoir et d’un grand manque d’attention portée à la planète. Nous ne savons que très peu de choses sur le monde avant cette grande catastrophe, mais il n’est pas difficile d’imaginer qu’il s’agissait de la Terre que nous connaissons. S’opposent par la suite deux villes dans lesquelles les hommes ont réagi tout à fait différemment : Industria et High Harbor.
Industria est en quelque sorte le pire qui peut arriver, une ville parfaitement artificielle, où le système favorise les gens ayant du pouvoir par rapport aux citoyens de deuxième et troisième classe. Les marqués, quant à eux, n’ont aucune chance. Un climat d’oppression règne dans cette zone, là où tout le monde est prêt à dénoncer les autres pour accéder aux richesses qui sont réservées aux dirigeants. Toutefois, même si ce lieu représente une sorte d’enfer, les personnages ne sont pas tous « mauvais » ou « bons ». Si principaux membres de l’Ordre Nouveaux ont clairement de mauvaises intentions, et Conan et les siens, de nobles intentions, les autres protagonistes sont bien plus nuancés. Comme l’explique le Professeur, comment ne pas admirer ceux qui ont survécu au Changement et se sont adapté à ce nouveau mode de vie.
À High Harbor, bien que la situation soit différente, il y a également des problèmes et l’on remarquera bien vite qu’on est loin du paradis. Ici, tout est naturel et nombre d’hommes sont redevenus des « sauvages ». Or, des luttes pour le pouvoir se préparent également, conséquence inévitable du manque de ressources et de l’impuissance des habitants face aux forces de la nature. Lequel de ces deux endroits est donc préférable ? L’auteur ne nous le dit pas, et tout lecteur comprendra sans doute qu’un compromis entre nature et science pourrait être une option.
Le contraste entre Conan, jeune inexpérimenté, et le Professeur, le grand savant connaissant le secret qui pourrait les sauver, est très intéressant. Tous deux se battent pour la même chose, mais le jeune homme a encore beaucoup à apprendre ; de même, le Professeur ne peut mener à bien sa mission tout seul. Alexander Key nous propose ici une solution pour survire à des situations qui paraissent insurmontables : l’entraide. De nombreux survivants souhaitent reconstruire un monde meilleur qu’auparavant, mais face aux difficultés, ils doutent et désespèrent. Et, pendant ce temps, d’autres en profitent pour assouvir leur soif de pouvoir.
Les protagonistes sont hauts en couleur et bien développés. Il est facile de s’attacher à Conan au fil des pages, ainsi qu’aux siens, qu’il s’agisse du Professeur, de Lanna, son amie d’enfance, du docteur Shann ou des autres survivants. Comment ne pas admirer leur courage ? Quant aux personnages secondaires, bien qu’ils ne soient qu’esquissés, ils nous donnent matière à réfléchir tant ils suscitent des émotions contradictoires.
La science et le surnaturel se côtoient sans cesse, mélange qui ajoute encore de l’intérêt à l’intrigue. Les inventions technologiques sont aussi importantes que la voix qui guide nos héros. Par ailleurs, dans un monde où les moyens de communication modernes ont disparu, la télépathie prend une dimension très importante et resserre les liens entre différents personnages.
La fin du roman est très ouverte, ce que j’ai apprécié, car c’est au lecteur d’imaginer la suite. Et, au vu des derniers évènements qui surviennent, Après la vague est finalement bien plus qu’un simple avertissement ou une critique de la société ; c’est avant tout un message d’espoir qui nous est livré par des mots simples et un style élégant. Et si un mélange de science et de foi, d’amitié et d’entraide, était la solution aux problèmes de l’humanité. Une traduction de qualité pour un roman magnifique.
Je remercie du fond du cœur les éditions Aux Forges de Vulcain de leur confiance et le forum A&M pour l’organisation de ce partenariat. Ce fut un véritable coup de cœur que je recommande à tous, petits et grands !


Partenariat avec les Éditions Aux forges de Vulcain
Un grand à la maison d'édition pour sa confiance