Le sixième homme - de Monica Kristensen



Shrewsbury, English Bridge


Auteur: Monica Kristensen
Titre original : Kullunge (norvégien)
Traducteur: Loup-Maëlle Besançon
Date de publication: 2008 (traduction française: 2011)
Editions: Gaïa éditions
Pages: 269
Mon avis
* La lumière ne va pas tarder à revenir, et puis, ce sera le soleil de minuit et l'été. Et comme chacun sait, le Svalbard est alors un autre pays.*

Longyearbyen... un nom plutôt énigmatique pour cette capitale minuscule nichée dans l'archipel du Svalbard et plongée une grande partie de l'hiver dans la nuit polaire. Au jardin d'enfants - pourtant bien surveillé - les petits aiment chahuter et se cacher sous la maison, entre les pilotis dissimulés par un épais manteau neigeux. Quand la petite Ella disparaît, c'est l'effroi. Comment une ville d'à peine deux mille âmes peut laisser disparaître ses enfants?
C'est le branle bas de combat au commissariat plutôt habitué à une certaine routine: les chasses à l'ours en scooter des neiges - leurs couloirs migratoires menacent régulièrement de traverser la ville -, les petits trafics des pêcheurs contrebandiers ou les conflits syndicaux à la mine de charbon qui surplombe la ville et fait vivre de nombreuses familles.
Quand le père d'Ella disparaît à son tour, les langues se délient? Victime ou coupable? Les rumeurs fusent et l'inquiétude se répand dans les maisons comme une traînée de poudre.
Le sixième homme, première traduction française de la romancière Monica Kristensen, a pour cadre l'archipel de Svalbard. C'est dans cet univers inhabituel, plongé une grande partie de l'année dans la nuit polaire que la petite Ella disparaît du jardin d'enfants. Cet événement constitue le point de départ d'une intrigue en huis-clos qui tiendra le lecteur en haleine jusqu'aux dernières pages. Dans un milieu aussi fermé que Longyearbyen, où tout le monde se connaît, personne ne veut croire à un enlèvement. On fait des hypothèses: c'est peut-être son père qui est venu la chercher. Ou alors, c'est l'inconnu qui observait les enfants qui l'a emmenée. La police, plutôt habituée à protéger la ville des ours polaires, à démasquer de petits contrebandiers ou à régler des disputes conjugales, se voit obligée d'agir rapidement en raison du froid extrême qui règne dans la ville. D'autant plus que le père de la fillette est introuvable.
Nul besoin de meurtres sanglants pour maintenir le suspense. Monica Kristensen, glaciologue ayant vécu au Svalbard pendant de nombreuses années, n'a pas choisi cet endroit au hasard. Dans son roman, elle utilise ses connaissances pour entremêler plusieurs histoires qui se déroulent sur une période de quelques mois. Chaque chapitre possède en tête la date et l'heure des événements pour nous aider à nous repérer. Ainsi, nous sommes plongés dans la réalité de la vie arctique. 
La neige qui recouvre tout contraste avec la nuit qui règne sur la ville et avec l'exploitation du charbon, de laquelle dépend tout la région. Tous les habitants sont, d'une manière ou d'une autre, lié aux mines, aux dangers que le travail sous terre représente, au revenu économique qui en provient, ainsi qu'aux légendes qui les entourent. Dans cette petite communauté, où l'on arrive pour des raisons précises, mais où l'on ne reste généralement pas indéfiniment, l'anonymat n'existe pas. La solidarité est nécessaire pour survivre aux conditions difficiles du climat polaire. La disparition de la petite Ella sert en quelque sorte de prétexte pour décrire cet univers si différent du nôtre. De l'économie basée sur le charbon ou la pêche aux tempêtes qui menacent les habitants de l'archipel, en passant par la nature et ses ours polaires et rennes, le braconnage et la contrebande, aucun aspect du décor du Svalbard n'est laissé de côté. 
Les amateurs de gros suspense, de thrillers américains et de romans noirs purs seront peut-être quelque peu déçus, mais les autres trouveront sans aucun doute leur bonheur dans ce livre. La couverture est magnifique et le grand format - qui est d'ailleurs une nouveauté de Gaïa Editions - rendent la lecture très agréable. Les épigraphes qui précèdent certains des chapitres nous plongent encore plus profondément sous terre avec les mineurs et le sixième homme, le fantôme des mines.
Il est vrai qu'au début, il est parfois un peu difficile de se repérer entre les personnages et les différentes histoires (et ce malgré les dates), mais dans ce roman qui va bien au-delà de l'intrigue policière on parvient finalement, au fil de notre lecture, à faire les liens qui nous permettent de résoudre l'intrigue.

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